En Corps à l'affiche !

29 avril 2022 à 16h00

En Corps à l'affiche !

Par Patrick Saffar

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Crédits photos : En Corps © Emmanuelle Jacobson-Roques - Ce Qui Me Meut, StudioCanal

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Crédits photos : Marion Barbeau ("En corps") © Emmanuelle Jacobson-Roques - Ce Qui Me Meut, StudioCanal

Amateur de danse, aussi bien classique que contemporaine, auteur d’un documentaire sur Aurélie Dupont, alors danseuse étoile à l’Opéra de Paris (Aurélie Dupont, l’espace d’un instant, 2010), Cédric Klapisch est également un mélomane tous azimuts, qui, de Daft Punk à Brahms, a réservé une belle part à la musique dans ses films romanesques.

Depuis plus de dix ans, Klapisch rêvait de réaliser une oeuvre de fiction sur la danse, un film qui puisse unir toutes ses passions. Le catalyseur en a été sa rencontre avec Hofesh Shechter, un chorégraphe israélien dont le cinéaste connaissait les spectacles depuis plus de cinq ans, et qui, par ailleurs, écrit lui-même les musiques qui accompagnent les prestations de sa troupe. Le caractère "viscéral, organique, tribal" (Klapisch) de ces compositions a particulièrement attiré le réalisateur qui en fait l'architecture et le ressort particulièrement énergique de En corps. De celui-ci, l’argument peut se résumer en quelques lignes : une jeune danseuse classique (Marion Barbeau, elle-même danseuse dans la "vraie vie") se blesse gravement au pied au cours d’une représentation de La Bayadère (l’épisode constitue un long prologue à la fois depalmesque et néoclassique brillamment filmé par Klapisch) et apprend qu’elle ne pourra probablement plus danser. Sa rencontre avec une compagnie de danse contemporaine (celle-là même d'Hofesh Shechter) va l’amener à se "reconstruire", à la fois existentiellement, artistiquement et sentimentalement.

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Crédits photos : Marion Barbeau ("En corps") © Emmanuelle Jacobson-Roques - Ce Qui Me Meut, StudioCanal

Équilibrisme

Si le film vaut mieux qu’une illustration du concept, un peu trop "mode" de résilience (jusqu’à sa récente résonnance au cours de la "crise Covid"), les scènes qui suivent celle de l’accident, alignées un peu paresseusement dans le genre Casse-tête chinois, font craindre un pur et simple feel good movie (du style Le Grand bain, Gilles Lellouche, 2018). On pourra donc trouver peu convaincants les moments au cours desquels Klapisch fait appel à la seule psychologie (même l’accident du prologue a pour origine une déception amoureuse), jusqu’à ce que l’on comprenne que c’est dans les scènes de danse que la psychologie, fût-elle sommaire, trouve moins son illustration que son exutoire.
Ce sont alors les échanges entre le physique pur et les affects qui intéressent le réalisateur. Là où, lors du prologue "classique", les gestes n'arrivent plus à raccorder car quelque chose s’est perdu de la confiance, amoureuse et artistique, entre les deux danseurs principaux, dans les passages de danse contemporaine collective, une somatisation bienfaisante et assez mystérieuse (le pied de Marion Barbeau sera "miraculeusement" guéri) va trouver à s’exprimer.

Danse collective

C’est donc bien la danse de la vie que cherche à filmer Klapisch, ou comment trouver la beauté en ce monde, que ce soit par le regard de l’autre ou bien par une communion objective qui s’exprime au mieux dans la plus belle scène du film, d’ailleurs improvisée, une danse de groupe sur une falaise bretonne, dont on ne sait si ce sont les gestes ou bien le vent qui, au son de la musique de Shechter, sculptent la masse corporelle.

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Crédits photos : Muriel Robin et Marion Barbeau ("En corps") © Emmanuelle Jacobson-Roques - Ce Qui Me Meut, StudioCanal

Et puisque En corps se veut un film collectif (c’est une des "spécialités" de Klapsich), il fait la part belle aux personnages et acteurs "secondaires", qui viennent apporter une touche d’humour inattendue (François Civil dans le rôle d’un kinésithérapeute qui se fait masser par sa patiente de son chagrin d’amour) ou une nuance d’émotion un peu plus convenue (Muriel Robin en «aidante» abimée par la vie). Mais nous sommes ici à nouveau dans un registre psychologique qui renvoie à la veine habituelle du cinéaste de L'Auberge espagnole (2002), dont on reconnaîtra qu’elle est ici habitée par la grâce de Marion Barbeau, véritable révélation du film.

2 questions à Cédric Klapsich sur la B.O. du film

La musique d’En Corps est signée par Hofesh Shechter. Pourquoi la lui avoir confiée ? C'était un peu naturel. Hofesh fait la musique de tous ces spectacles et dans la partie contemporaine du film, je savais que ce serait sa musique qui prendrait le dessus. C’est aussi ça qui a fait que je n’ai pas travaillé avec Loïk Dury avec qui je travaille d’habitude. On savait lui et moi qu’il n’aurait pas vraiment d’espace pour créer de la musique originale.

La musique est quand même co-signée par Thomas Bangalter. En fait, c’est juste une petite participation de Thomas. Ce serait mentir que de dire que Thomas est partie prenante de la création qui revient vraiment à Hofesh Shechter. On se connaît depuis longtemps avec Thomas, c’est un ami de longue date de Romain Duris. C’est d’ailleurs grâce à cette amitié qu’on avait pu avoir accès à la musique de Daft Punk dans l'Auberge espagnole. Et puis un jour, on s’est retrouvé côte à côte dans un ballet d'Hofesh Shechter. J’ai découvert ce jour-là, qu’on avait une passion commune pour la danse et plus particulièrement pour Hofesh. Du coup, j’ai eu envie de les faire se rencontrer. Thomas qui était très fan de la musique des spectacles d'Hofesh avait envie d’une collaboration amicale. Donc 80% de la musique d’En Corps vient d’Hofesh. Mais je sais que leur rencontre a été importante. Hofesh et lui ont énormément échangé, notamment sur le fait que quand on est dans un travail contemporain, on est obligé de connaître et d’aimer ce qui est classique, en fait il n’y a pas tant d’opposition. C’est le cas de Thomas qui tout en ayant créé ces sons contemporains avec Daft Punk a un goût infini pour la musique classique. Il peut se situer dans une impulsion contemporaine précisément parce qu’il a une connaissance des bases classiques. Idem pour Marion Barbeau qui peut travailler dans la compagnie d’Hofesh Shechter et sa volonté de moderniser la danse. Elle peut fabriquer des mouvements de danse inédits parce qu’elle a travaillé avant sur le répertoire, un héritage chorégraphique qui date de trois siècles. Cette réalité rejoint la métaphore fictionnelle de mon film. C’est aussi la connaissance de l’académisme qui permet d’envisager l’avant-garde. Comme dirait Nietzsche : "Ceux qui dansaient étaient considérés comme fous par ceux qui ne pouvaient pas entendre la musique"…

En corps (Rise) (2020). Réalisateur : Cédric Klapisch. Scénario : Cédric Klapisch, Santiago Amigorena. Premier assistant réalisateur : Elise Lahoussa. Scripte : Elise Camurat. Photo : Alexis Kavirchine. Son : Cyril Moisson, Nicolas Moreau, Cyril Holtz. Montage : Anne-Sophie Bion. Décors : Marie Cheminal. Costumes : Anne Schotte. Musique : Hofesh Shechter, Thomas Bangalter. Labels : Because Music, Ce Qui Me Meut. Casting : Constance Demontoy. Interprétation : Marion Barbeau (première danseuse du ballet de l'Opéra de Paris), Hofesh Shechter, Denis Podalydes (de la Comédie française), Muriel Robin, Pio Marmaï, François Civil, Souheila Yacoub. Directrice de production : Sylvie Peyre. Producteur délégué : Bruno Levy. Directrice de post-production : Isabelle Morax. Production : Ce Qui Me Meut. Co-production : Studiocanal, France 2 Cinéma, Panache Productions, La Compagnie cinématographique. Distribution France : Studiocanal. Date de sortie : 30 mars 2022.

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